Près de 170 personnes ont bravé le froid pour marcher dans les rues du village de Racine, le 1er avril dernier. Leur objectif : demander au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral de décréter une Journée nationale du travail invisible.
«Le travail invisible, c’est de travailler sans être payé. C’est le cas, par exemple, des aidants naturels qui sont obligés de laisser leur emploi pour aider leurs proches», illustre Marjolaine Larocque, présidente de la branche estrienne de l’Association féministe d’éducation et d’action sociale (AFEAS). Cette organisation, qui existe depuis 1966, revendique depuis 25 ans que les gouvernements reconnaissent et posent des gestes vis-à-vis du travail invisible.

Journée nationale du hockey avant le travail invisible
Marjolaine Larocque rappelle que le gouvernement du Québec a récemment décrété qu’il y aurait désormais une Journée nationale du hockey. «On espère que celui-ci mette aussi en place une Journée nationale du travail invisible», dit-elle.
De fait, le gouvernement du Québec s’est donné cet objectif à l’intérieur de sa Stratégie gouvernementale 2022-2027 pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
«L’année fiscale du gouvernement est d’avril à mars. Ce qui signifie qu’il resterait donc un an au gouvernement pour décréter cette journée nationale, tel que prévu dans sa Stratégie», interprète Marjolaine Larocque.

Impact sur l’économie : 860,2 milliards $
Le travail non rémunéré a un impact réel sur l’économie. En 2022, Statistique Canada a mesuré sa valeur économique : 860,2 milliards de dollars, soit 37,2 % du PIB nominal de 2019. Ce qui correspond à une valeur supérieure à celle des secteurs de la fabrication, du commerce de gros et du commerce de détail. L’étude démontre que ce sont les femmes qui, en majorité, font ce genre de travail.
«Une valeur 860 milliards de dollars, c’est un chiffre énorme. L’une de nos revendications, c’est que le gouvernement comptabilise et intègre la valeur de ce travail dans le PIB», fait savoir Marjolaine Larocque.
Plaidoyer pour des mesures concrètes
Sa collègue Annie Mercier, présidente de l’AFEAS de Saint-Denis-de-Brompton, souhaite que les deux paliers de gouvernement aillent plus loin. En mettant aussi en place des mesures légales, sociales et fiscales. Par exemple des crédits d’impôt.
«C’est souvent la femme qui décide de quitter son travail pour faire de la proche aidance. Parce que c’est elle est qui la moins bien payée. Ce qui a des impacts pour le reste de sa vie. Son autonomie financière vient de diminuer. Et ça aura des conséquences sur sa pension et ses rentes à la retraite, qui vont diminuer aussi. Cela peut amener une femme à vivre des situations de précarité et des risques de pauvreté lorsqu’elle se retrouve à la retraite», soutient-elle.

Un tiers des agricultrices sans salaire
Annie Mercier donne un autre exemple du travail invisible. Celui de la situation économique de certaines femmes en agriculture.
«Ça s’est amélioré dans les dernières années. Mais il y a encore, en 2025, un tiers des agricultrices qui travaillent dans l’entreprise familiale sans salaire et sans aucune part dans l’entreprise. On considère ça comme du travail invisible.»
À cela s’ajoute le bénévolat dans différentes sphères d’activité comme en santé, en sport, en culture, etc. Ou encore les stages non rémunérés.

Demande à Ottawa
Des revendications qui reçoivent l’oreille attentive de la députée fédérale sortante, Andréanne Larouche. Celle-ci a témoigné aux personnes présentes qu’elle marche aujourd’hui dans les pas de sa mère qui militait elle-même pour des causes féministes.
Andréanne Larouche a tenu à rappeler qu’après son élection, en 2019, elle avait repris les rênes du travail accompli par la députée Nicole Demers, décédée en 2023. En 2010, cette députée avait déposé une motion à la Chambre des communes, à Ottawa, pour faire du 1er mardi d’avril la Journée nationale du travail invisible. Une motion qui avait reçu l’appui des autres partis politiques fédéraux.
«Malheureusement, l’élection de 2011 avait fait en sorte que la motion est tombée», rappelle Andréanne Larouche. Pour faire avancer le dossier, celle-ci s’est impliquée comme vice-présidente du Comité permanent de la condition féminine, à Ottawa. Ce comité a publié, en 2019, un rapport présentant au gouvernement 10 recommandations vis-à-vis de la condition des femmes. L’une de ces recommandations vise justement la mise en place d’une Journée nationale du travail invisible.

«Ce n’est pas juste une date au calendrier»
«J’ai dû me débattre, comme Québécoise, pour expliquer en comité pourquoi c’était quelque chose d’important et de crucial de nommer le 1er avril comme journée nationale de reconnaissance du travail invisible. Maintenant, il faut que le gouvernement donne suite à ce rapport-là», expose Andréanne Larouche.
Elle ajoute :
«Une journée nationale, ce n’est pas juste une date au calendrier. C’est une journée pour réfléchir collectivement aux actions concrètes qu’on peut mettre en place pour reconnaître le travail invisible.»
«Nous tenons à vous dire merci»
D’autres organismes étaient sur place pour appuyer cette action, dont le CAB de Valcourt et région ainsi que Valcourt 2030. De même, le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de l’Estrie, Michel Brien, s’est lui aussi joint à la marche.
«Aujourd’hui, nous tenons à vous dire merci. Merci pour votre implication auprès des membres de votre communauté et de vos familles respectives. Votre bienveillance fait une différence positive», a exprimé le maire de Saint-Denis-de-Brompton, Daniel Veilleux, présent sur place.

Son vis-à-vis de Racine, le maire Mario Côté, a renchéri.
«Le travail invisible, c’est une personne qui met sa carrière entre parenthèses pour maintenir un environnement sain pour sa famille. Ou qui s’engage bénévolement au service des autres. C’est une implication discrète, mais vitale. Avec un impact colossal. Nous devons le valoriser. Non seulement par de la gratitude, mais aussi par des mesures concrètes. Un monde plus équitable passe par la reconnaissance de toutes celles et tous ceux qui travaillent dans l’ombre.»

«Les gardiens de notre solidarité collective»
Dominique Samson-Desrochers, conseillère politique et directrice du bureau du député de Richmond, a pris la parole en l’absence du député. «Je comprends que j’ai le travail de ramener vos revendications à André Bachand pour qu’il puisse aller porter votre message à l’Assemblée nationale», a-t-elle exprimé à la foule.
«Il est important de se rappeler que sans ces personnes engagées, notre société ne pourrait fonctionner comme elle le fait aujourd’hui. S’il n’y avait pas de bénévoles, nos associations, nos écoles, nos hôpitaux et de nombreux autres organismes en seraient grandement affectés. Ces bénévoles s’investissent non seulement pour venir en aide, mais aussi pour renforcer notre sens de la communauté. Dans un monde où l’individualisme prend parfois le dessus, ils sont les gardiens de notre solidarité collective. Leur exemple nous inspire toutes et tous à agir et à contribuer, à notre échelle, à la construction d’une société plus humaine et plus généreuse», a déclaré Dominique Samson-Desrochers au nom d’André Bachand.

Rappelons que des marches semblables ont été organisées ces dernières années en Estrie. À Sherbrooke en 2022, à Lac-Mégantic en 2023 et à Cookshire en 2024.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Reportage de la Télévision communautaire TVME :
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